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Les iguanodons de Bernissart au Muséum à Bruxelles

Les vacances ne riment pas toujours avec les grandes escapades vers des contrées lointaines. C’est aussi l’occasion pour se balader près de chez soi, dans sa région, et, pourquoi pas, pour visiter les musées. Proximité et amour des sciences obligent, il m’arrive de temps à autre de me rendre au Muséum des Sciences Naturelles de Belgique, à Bruxelles. C’est un grand musée, et une demi-journée ne suffirait pas pour le visiter de fond en comble.

Squelettes d’iguanodons du Museum des Sciences Naturelles de Belgique.

La spécialité incontournable du Muséum, c’est la collection de squelettes d’iguanodons dans la salle des dinosaures, la plus grande galerie de dinosaures de toute l’Europe. En témoigne l’immense statue d’iguanodon à l’entrée du bâtiment : une statue, qui, comme le Manneken Pis, peut, à certaines occasions, être affublée de costumes à thème.

Statue de l’iguanodon du Museum des Sciences Naturelles de Belgique lors de la journée mondiale de l’eau 2015. Crédit : L.B.S. Pham

Cette collection de dinosaures est exceptionnelle. Nulle part ailleurs, nous pouvons trouver autant de squelettes de dinosaures aussi bien conservés. L’histoire de leur découverte, dans la mine de charbon de Bernissart, est d’autant plus remarquable.

La découverte de Bernissart

Bernissart est une commune située au sud-ouest de la Belgique. En 1878, des mineurs, croyant y avoir trouvé de l’or (mais qui était en fait de la pyrite, « l’or des fous »), sont tombés sur des curieuses choses dont ils ignorent l’origine. Peu de temps après, on a appelé le musée et s’ensuivent 3 années de fouilles pour extraire les fossiles. Résultat : une trentaine de squelettes d’iguanodons extraits, dont neuf ont été ensuite reconstitués.

Une récente vidéo du Museum résume avec beauté l’histoire de cette trouvaille.

Découvrir autant de squelettes entiers de dinosaures au même endroit est rare. Or, à cette époque, l’existence des dinosaures vient tout juste d’être révélée, et on n’a jusqu’alors découvert que des bout d’ossements. L’iguanodon est d’ailleurs le deuxième dinosaure a avoir été décrit par un scientifique. Autant dire que la découverte de Bernissart a beaucoup contribué à la paléontologie.

Que savons-nous des iguanodons ?

Les iguanodons auraient vécu il y a 96 à 131 millions d’années dans l’hémisphère nord. Ils n’auraient donc pas pu côtoyer le Tyrannosaurus Rex, qui aurait vécu à une époque plus récente,il y a 65 à 69 millions d’années. L’iguanodon est d’ailleurs plus petit et plus léger que le T-Rex (6 à 11 mètres de long et 4,5 à 5,5 tonnes pour l’iguanodon contre 10 à 14 mètres de long et 4,5 à 7 tonnes pour le T-Rex). Sa tête est allongée, comme le museau d’un cheval, et son bassin est similaire à celui des oiseaux, ce qui le place dans l’ordre des ornithischiens (dérivé du grec ornitheos, oiseau et ischion, la hanche jointe du bassin).

Élément rassurant pour celui qui souhaiterait un jour le reconstituer, et l’exposer dans un « Jurassic Park » : l’iguanodon est herbivore ! La preuve par sa mâchoire dépourvue de canines. Le dinosaure possède aussi un pouce pointu sur ses pattes avant. Sans doute l’utilisait-il comme arme de défense.

 

Bipède ou quadrupède?

Longtemps, on a cru que l’iguanodon ne marchait que sur ses deux pattes arrière, qu’il était bipède. Mais, les recherches et simulations des années 80s et 90s démontrent que l’iguanodon est surtout quadrupède, c’est-à-dire qu’il marchait sur ses quatre pattes. Il se trouvait qu’à l’époque de la découverte, les paléontologues ont été convaincus de la bipédie des iguanodons. L’idée était tellement ancrée dans leur têtes que, lors de la reconstitution de leurs squelettes, on a même cassé la queue et brisé la nuque pour forcer la position à deux pattes.

L’iguanodon quadrupède comparé à l’iguanodon bipède, avec la queue déformée. Source: http://sylvain-post.blogspot.be/2012/07/iguanodons-de-bernissart-une-affaire-de.html

À la charge des scientifiques d’antan, qui ont fait un travail remarquable selon les standards de l’époque, la pratique de la paléontologie n’a pas encore été normalisée. Personne n’a été donc là pour leur dire de ne pas « déformer » les squelettes. Mais le mal est fait. Les squelettes montés d’iguanodons sont beaucoup trop fragiles pour qu’on les reforme en quadrupèdes. Ils restent donc dans leur position « kangourou », et sont exposés tels quels au musée.

Conservation difficile

Les ossements des dinosaures sont des os fossilisés. Cela veut dire que leur structure a été modifiée au fil du temps par des processus chimiques et physiques qui les minéralisent. On a identifié une trentaine de minéraux dans les ossements des iguanodons. Le principal étant la pyrite, responsable en partie de leur fragilité.

Un morceau de pyrite (flèche rouge) sur une griffe d’iguanodon de Bernissart. Source: http://ceroart.revues.org/464

On a, dès le début, pris grand soin des ossements des iguanodons de Bernissart. Sortis de la mine, on les a enveloppé de plâtre pour les protéger de l’air libre. Ensuite, retirés de cet enveloppe, on les a enduit de colle forte, en a retiré la gélatine restante ainsi que la pyrite, qui est remplacé par de la colle-pierre. Mais ces mesures n’ont pas été suffisantes. Exposés à l’air libre et à l’humidité ambiante, les squelettes continuent à se dégrader. De plus, au contact de l’air, les restes de pyrite se transforment en d’autres minéraux, créant ainsi des fissures dans les os.

Restaurations des iguanodons de Bernissart

Deux grandes restaurations ont été entreprises pour protéger les ossements d’iguanodons. La première a eu lieu dans les années 30s. Tous les spécimens ont été démontés, puis trempés dans un mélange d’alcool et de gomme-laque. On les a ensuite placés dans des cages en verre pour les protéger de l’humidité et des variations de température. La seconde et dernière restauration n’a eu lieu qu’au 21e siècle, entre 2003 et 2007. Durant cette période, on a cureté les résidus de pyrite dans tous les os, puis les a imprégnés de résine synthétique. Les cassures ont été réparées avec de la colle forte moderne et les fissures rebouchées avec de la pâte durcissante. Depuis mai 2007, ils sont ré-exposés dans des cages vitrés.

Le travail de conservation de ces fossiles a été long et erratique. Mais, grâce à ces scientifiques, nous pouvons encore et toujours admirer ces reliques du passé étonnement bien conservés. Voilà une visite qui en vaut la peine!

Mises à jour et précisions

Un membre du personnel du Museum des Sciences Naturelles de Belgique m’a aimablement apporté quelques précisions et corrections à mon présent article, corrections que j’ai mis à jour directement dans le texte. Voici les précisions :

  • La mine de Bernissart n’a pas été fermée durant les fouilles, mais la zone où l’on a découvert les iguanodons a été isolée pour les fouilles. Elles ont duré 3 années, mais ont été plusieurs fois interrompues pour diverses raisons (inondations, tremblement de terre etc.)
  • On ne connaît pas exactement le nombre de squelettes d’iguanodons que l’on a extraits. Certains squelettes d’iguanodons qui n’ont pas été montés sont fragmentaires et un de ceux montés en position « kangourou » est un composite de 2 spécimens
  • Le nombre de squelettes d’iguanodons toujours présents dans la mine de Bernissart reste inconnu. Récemment, on a fait un carottage de la mine et on a découvert dans ces carottes des fragments d’os. Il y a donc toujours des iguanodons dans ce gisement…
  • Grâce à l’étude de grains de pollen et de spores contenus dans l’argile qui entourait les iguanodons de Bernissart, on déduit qu’ils ont vécu entre 128 à 125 millions d’années. Ce qui les place probablement au début de la période du règne de cet espèce.

Sources et références :

DinoNews : Iguanodon et DinoNews : Tyrannosaurus
À la rescousse des Iguanodons de Bernissart. Réflexions – Ulg du 27/02/13. Article rédigé par Stéphanie Sobry d’après les recherches de Thierry Leduc.
Pascal Godefroit et Thierry Leduc, « La conservation des ossements fossiles : le cas des Iguanodons de Bernissart », CeROArt [En ligne], 2 | 2008, mis en ligne le 09 octobre 2008, consulté le 5 septembre 2016.

Source: scienceballade.comCreative commons